Bons baisers d’Oulu2026

ECoC Family Meeting à Oulu

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Voyage à Oulu

Septembre 2025 – Louise Tournillon 

Dans l’avion qui m’emmenait à Oulu, une pensée un peu décalée me traversait l’esprit : et si mon vol subissait le même sort que celui d’Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne ? Depuis le 29 août, elle effectue une tournée des pays frontaliers de la Russie, dont la Finlande. Lors de son déplacement en Roumanie, son avion a été empêché d’atterrir plusieurs minutes, les signaux GPS ayant été brouillés volontairement. Cette idée, à première vue anecdotique, rappelle pourtant les enjeux du moment. Oulu s’apprête à accueillir des millions de visiteurs dans le cadre de son titre de Capitale européenne de la Culture, un événement d’une ampleur inédite destiné à célébrer la richesse et la diversité culturelle de l’Europe. Mais aux portes du continent, cette diversité et cette richesse sont fragilisées depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Et les pays voisins craignent, naturellement, d’être les prochains visés. C’est dans cette atmosphère, à la fois créative et lourde de menaces que se préparent les Capitales européennes de la Culture 2026. Pourtant, Oulu est tournée vers l’avenir car dans 4 mois elle lancera son année-titre. Et justement, dès ma sortie de l’aéroport, j’ai ressenti cette énergie : affiches, bus floqués, accueil par des bénévoles enthousiastes – la ville entière semblait déjà en fête, prête à embarquer ses habitants et ses visiteurs dans l’aventure.

Ce qui m’a le plus marqué à Oulu, c’est la vitalité de sa scène culturelle urbaine. L’association Oulu Urban Culture, fondée par de jeunes passionnés, m’a impressionné par sa créativité et sa liberté : soirées électro en forêt, open mics queers, un festival sur la mer gelée baptisé Frozen People… J’ai eu le sentiment de retrouver là-bas une énergie proche de ce que nous connaissons à l’Antre Peaux, ce mélange d’expérimentation et de convivialité. Le dîner d’accueil s’est déroulé dans leur lieu, une salle de concert réinventée par et pour les jeunes : buffet local, bière bio à l’effigie de Oulu 2026, présentations dynamiques. Une atmosphère simple, mais profondément inspirante : on voyait bien comment cette jeunesse s’était emparée de sa Capitale européenne de la Culture comme d’un laboratoire pour inventer de nouvelles manières de vivre ensemble.

Enfin, ces journées ont été l’occasion de riches échanges avec nos homologues d’autres capitales européennes de la culture. J’ai particulièrement retenu une conversation avec Baiba, de Liepaja 2027, qui partageait un conseil reçu : “il ne faut plus penser en mode création mais en mode production”. En d’autres termes, une CEC ne peut pas tout produire elle-même, il faut s’appuyer sur les forces locales, donner aux opérateurs culturels les moyens de porter les projets. Ce constat, confirmé par Oulu, résonne fort avec nos propres défis. Dans les discussions, qu’il s’agisse de la paix imaginée à travers une installation immersive comme Layers in the Peace Machine, ou des transformations urbaines promises par Trencin 2026, une idée revenait toujours : l’Europe de la culture se construit dans le partage, dans la capacité à faire réseau, à inventer des ponts entre habitants, artistes, villes et même pays. Je suis rentrée avec une conviction renforcée : Bourges 2028 aura beaucoup à apprendre, mais aussi beaucoup à apporter.

Et puis, il y a les moments inattendus, presque initiatiques. Comme ce sauna au milieu de la forêt. La vapeur brûlante sur la peau, suivie de l’air frais qui fouette le visage… Le silence des bois, le clapotis du lac plus loin et la communion entre les membres de la famille CEC. J’ai alors compris qu’ici, culture, nature et bien-être sont indissociables. Dans cette alternance entre chaleur et froid, entre intériorité et ouverture… je me suis dit que j’avais, peut-être, rencontré là le véritable esprit d’Oulu.