
Châteauroux.Inondation du 11 juin 1910. Place Saint-Christophe.
En juin 1910 – 48Fi415
Cette photo est issue du fonds de la collection Jean-Claude Portrait léguée aux Archives de la Ville de Châteauroux en avril 2022. Ce cartophile passionné et connaisseur a constitué pendant plus de quarante ans une des plus importantes collections de cartes postales anciennes concernant Châteauroux et le département de l’Indre. Rassemblées dans vingt-deux albums constituant un corpus de plus de 10 000 cartes postales dont 2 700 pour Châteauroux. Ce fonds est également complété par des photographies, documents et objets provenant de diverses acquisitions par achats ou dons.
A de multiples reprises les crues de l’Indre furent sources d’épreuves pénibles et dévastatrices pour la population de Châteauroux et plus particulièrement pour les habitants du faubourg Saint-Christophe. Ce quartier en bordure de la ville basse a toujours souffert des débordements de l’Indre lors des crues d’hiver ou de printemps. À la suite de pluies torrentielles ininterrompues, en avril et mai 1856, trois crues en mois de deux mois ont alarmé la population locale qui craignait de voir leur pont de bois disparaître. En 1885, le pont de bois qui reliait ce quartier à la ville haute sera remplacé par un pont en structures métalliques pour se prémunir contre la vigueur de ces inondations.
L’année 1910 est marquée par dix-huit crues de l’Indre en six mois. La plus grave par son ampleur est celle du samedi 11 et dimanche 12 juin 1910. La crue se manifeste rapidement pour atteindre 2,50 m, dépassant celle du 21 janvier. Dans le « Journal du Département de l’Indre » du 12 juin 1910, on évoque le spectacle de la désolation… « la foule qui se presse toute la journée rue Grande Saint-Christophe, sur les deux ponts de la levée, contemplant les flots boueux charriant des bêtes surprises dans les pâturages, des chiens, du foin, de la paille, des bois, sur les prairies recouvertes d’où émergent, narquois, les écriteaux « Défense de passer dans les prés ».
La consternation était générale, une quête est lancée en faveur des sinistrés au profit desquels une grande fête est organisée le 24 juillet.
Saint-Amand-Montrond.
Les inondations à Saint-Amand-Montrond.
Entre 1910 et 1977 – Sans côte
Le plan topographique des crues et zones sinistrées à Saint-Amand-Montrond a été dressé par les Services techniques de la ville. 1977 est l’année d’une crue mémorable qui a motivé ce plan, tant pour comprendre les raisons de la forte inondation que pour retracer un historique des zones sinistrées entre 1910 et 1977. On remarque sur le plan que les zones sinistrées varient sur la période, tout en se situant sur une partie du centre-ville.
Quatre cours d’eau sont en présence à Saint-Amand-Montrond, donnant du charme à la ville mais constituant aussi un point de fragilité. Le Cher, la Marmande, Le Chignon et le Canal de Berry traversent ou entourent la ville.
Après la fin des années 1970, un procès a mis en cause la ville et le département face à l’Etat et face aux assureurs pour départager les responsabilités de l’inondation et indemniser les habitants. Le jugement rendu invoque des raisons techniques d’aménagement au niveau du canal qui auraient provoqué la crue de 1977, une crue particulièrement forte et impactant le centre-ville. Mis en cause, le point A, visible sur le plan, se situe à hauteur du parc municipal Montagnac ou à côté de SamExpo, sur le canal.
Aujourd’hui, face au risque déjà connu de crue et d’inondation du centre-ville à Saint-Amand-Montrond, des mesures ont été prises. Parmi celles-ci, on notera l’aménagement du plan d’eau de Virlay comme point de déversement du Cher en cas de crue. La solidarité également a son importance dans la gestion de la crise car Saint-Amand a reçu d’une commune voisine, après la fin des années 1970, l’annonce d’une crue à venir, du fait que les premiers symptômes sont apparus vers Charenton. Tout l’enjeu est alors d’agir en amont du risque de crue sur les points de blocage ou d’ouverture du débit des cours d’eau afin de réduire le niveau de la rivière.
Vierzon.
En 1958 – 98NUM112
La crue de 1958 est restée dans les mémoires des vierzonnais comme étant la plus destructrice du XXe siècle. Crue de printemps la cote avait atteint les 4,40 mètres. Pourtant, celle de 1940, véritable crue centennale et prélude à l’invasion allemande, avait atteint la cote de 4,70 mètres. Les eaux du Cher, de l’Yèvre et du canal de Berry s’étaient mélangées en centre ville.
En 1958, plusieurs dizaines de maisons sont touchées, synonyme de caves inondées et d’eau non potable. Pendant dix jours les pompiers organisent les secours auprès des plus âgés et le ravitaillement des personnes isolées. L’armée prête ses camions-citernes qui alimentent les foyers en eau potable.
Des usines sont à l’arrêt. Dans le quartier des Forges, il y a 50 centimètres d’eau. Les ouvriers, mis au chômage technique, vont devoir pomper l’eau avant de remettre en route leur outil de travail.
Une fois les plaies pansées, une association va voir le jour : l’« Association des sinistrés des crues du Cher et de l’Yèvre ». Elle œuvre pour une meilleure reconnaissance et indemnisation des dégâts occasionnés. Elle œuvre également pour que la ville et l’État engagent des travaux de protection des riverains des berges des deux rivières. Un programme pluriannuel de construction de digues sera établi qui permet aujourd’hui plus de sérénité aux abords du Cher et de l’Yèvre…
Synthèse
Les inondations ont toujours représenté un risque pour les villes construites autour de rivières. Elles sont une des catastrophes naturelles les plus fréquentes, mais aussi causant le plus de dégâts. L’eau envahie les rues et les maisons, rendant des quartiers entiers inhabitables, mais peut aussi endommager ou détruire des infrastructures et empêcher l’accès à l’eau potable.
Les crues affectent les habitants, le territoire et la commune, mais face à une catastrophe naturelle, qui prend en charge la reconstruction ? Les financements sont parfois portés par des initiatives citoyennes : àChâteauroux, en 1910, c’est une « quête » qui est lancée en faveur des sinistrés. À Vierzon, en 1958, une association est créée pour la reconnaissance des dégâts et des risques auprès des pouvoirs publics. En effet la Ville, mais aussi le Département et l’Etat, ont une part de responsabilité dans la gestion de ces crises, comme l’illustre le procès de la crue de 1977 à Saint-Amand-Montrond.
Ces trois catastrophes, et les solutions qui y furent apportées, reflètent une tendance à l’implication des pouvoirs publics dans la gestion de ces crises. En effet, au XIXe siècle, la responsabilité face aux aléas naturels est laissée à la charge des associations de riverains. La situation change après la Seconde Guerre mondiale, la constitution du 27 octobre 1946 établissant que « La Nation proclame la solidarité et l’égalité de tous les Français devant les charges qui résultent de calamités nationales ».
Ces textes illustrent bien la façon dont les inondations sont gérées en France au cours de l’histoire. Mais on y voit aussi que, malgré les évolutions des lois et des mentalités, la solidarité a toujours été une valeur partagée pour faire face à ces crises.